- ARCHITECTURE DOUCE
- ARCHITECTURE DOUCEARCHITECTURE DOUCERecouvrant des pratiques aussi diverses que l’autoconstruction, l’architecture «sauvage», ou spontanée, la notion d’architecture douce est essentiellement ambiguë, et englobe en réalité toute forme de pratique architecturale qui refuse les processus de production de l’architecture dominante: procédés industriels, organisation de la production selon le mode de la division du travail.Si les démarches énumérées plus haut ont plus ou moins toujours existé, l’intérêt qu’elles suscitent est récent, intérêt correspondant à une phase de rejet de la société industrielle et, du point de vue des architectes, à une remise en cause du fonctionnalisme. L’expression architecture douce (soft architecture ) a été formée par analogie avec l’expression énergie douce; l’architecture douce fait d’ailleurs souvent appel à l’énergie douce dont elle reprend certains thèmes: récupération de matériaux, lutte contre le gaspillage. Mais son principe de base réside dans la modification du rapport entre le producteur et l’usager, qui sont souvent une seule et même personne. Postulant un mode de production de type artisanal, elle suppose une conception du projet architectural qui autorise l’improvisation et l’expression poétique et qui refuse le cloisonnement entre travail intellectuel et travail manuel.Pratiquée par des marginaux proches des centres de contestation universitaire, l’architecture douce s’est surtout développée aux États-Unis; elle se présente comme une critique du capitalisme avancé, tout en trouvant ses racines idéologiques dans ce qui présida à la naissance du capitalisme: la haine de la ville nécessitant un retour à la nature, la mise en place de systèmes communautaires, associés à la figure du pionnier comme expression du self made man .En France, il n’existe rien de comparable; les expériences des «marginaux» se faisant souvent sur le mode du retour à la terre, à la tradition paysanne, leur pratique architecturale se limite à la récupération et au réaménagement de bâtiments existants, et rejoint le mythe petit-bourgeois de la fermette.Toujours associée à la marginalité, l’architecture douce n’en apparaît pas moins comme un pur produit du système qu’elle prétend contester. L’autoconstruction correspond à une réalité profonde, c’est l’expression au sein des couches populaires d’une «subculture» liée aux grandes concentrations de population consécutives à l’industrialisation. Elle se manifeste sous la forme du «bricolage de l’espace», particulièrement évident dans les grandes banlieues ouvrières ou dans le bassin minier du nord de la France. Mais c’est la concentration des entreprises de construction et des agences d’architecture qui suscite, par l’élimination des métiers d’entretien et de réparation du bâtiment, la pratique du bricolage, plus ou moins récupérée par les magasins spécialisés dans le do it yourself ou par une certaine presse qui mêle ouvrages de dames et restauration de maisons anciennes. La mise en avant de ces expériences marginales n’est-elle pas, en réalité, une forme de subtile échappatoire proposée au public des usagers et des concepteurs et le discours écologique (retour à la nature et à un mode de production pré-industriel) ne permet-il pas de cacher le vrai problème: celui de l’aménagement des centres urbains, laissant le champ libre à la perpétuation d’une politique bureaucratique dont l’un des principaux moteurs est la spéculation immobilière?
Encyclopédie Universelle. 2012.